Elle m'a presque demandé son chemin
Dans le bus à Alésia, direction Montparnasse. Mercredi dernier.
Image trouvée là: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0c/Carrefour_Alesia_1.JPG/800px-Carrefour_Alesia_1.JPG... et en ce moment l'église d'Alésia est totalement recouverte d'échafaudage pour rénovation.
Elle arrive avec ses cheveux gris, posant ses petites affaires en soufflant sur le siège derrière moi.
La question était: "C'est loin, Montparnasse?"
Pas "Bonjour"... pas "Excusez-moi"... mais avec le temps, on s'y fait... Je lui réponds:
Vous voyez la tour là bas?
Et elle va regarder le plan de la ligne... sans rien dire... Mais qu'est-ce qui se passe? Elle est pas bien?
Elle échange quelques mots avec la jeune femme assise sous le plan. Et je comprends que ce qu'elle voulait savoir, en fait, c'était le nombre d'arrêts qui la séparait de la gare Montparnasse.
Information ratée. Incompréhension. On parle la même langue, mais on n'a pas le même langage. C'est quelque chose qu'on a tendance à oublier. Avec ses collègues, ses amis, sa famille, on parle le même langage. On attribue la même signification aux mêmes mots. On s'est créé une communauté de compréhension, un registre de langage commun, une compréhension implicite. On partage le même périmètre signifiant des mots.
Et un jour, on rencontre cette dame. Et un jour, on s'aperçoit que cette communauté de signifiants vole en éclat, car confrontée à une autre. On apprend en philosophie que le langage est arbitraire. Que c'est une construction. Qu'une table... nous nous sommes tous mis d'accord pour l'appeler table. Mais qu'il aurait suffit qu'on se mette d'accord pour l'appeler "gradaf" (ou que sais-je encore) et il en aurait été ainsi.
Dans son langage à elle "C'est loin, Montparnasse?" Sa question était évidente... Le langage est une autre forme de confrontation à l'altérité.