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Ils m'ont demandé leur chemin
16 juillet 2008

Que cherchait véritablement Renault chez AutoPlus ?

C'est presque un fait divers, ce matin, entendu avec distraction.
Après l'aide d'urgence à destination des pêcheurs, l'échange entre les soldats israëliens et les prisonniers du Hezbollah, la diffusion d'un interrogatoire de 7 heures d'un prisonnier canadien à Guantanamo, la perquisition menée par les policiers à la rédaction du journal Auto-Plus.

Quel est le chef d'inculpation? Espionnage industriel? Pour un article paru en 2007?
Je médite sur le témoignage de la journaliste AutoPlus Sandrine Barret. "On trouve ça un peu violent". Violence de la méthode des policiers? Du contexte de l'inculpation d'un suspect à son domicile?
Je suis perplexe. On décrit là les méthodes présentées ailleurs (type Le Droit de Savoir) comme tout à fait ordinaires de la police. Il s'agit là de l'émotion d'une profession à être traitée comme délinquante. Je comprends le point de vue. Mais au fond, la police mène une enquête pour récupérer des informations à charge ou à décharge.
Décidément, le problème ne me semble pas être là. L'espionnage industriel en tant que tel est commis par un concurrent afin d'obtenir un avantage compétitif: produire un produit qui permettra se positionner en premier sur un marché, ou un segment de marché.
AutoPlus ne me semble pas être un concurrent. Et comme l'explique Laurent Chiapelo, Directeur de la Rédaction, le phénomène de photo dites "volées" n'est pas nouveau. Et si je ne m'abuse, les constructeurs maquillent les voitures au moment sensible de l'essai en réel sur leur circuit.

Alors pourquoi le constructeur Renault a-t-il déposé plainte pour vol d'informations confidentielles? A la suite d'un article publié en 2007, alors que nous sommes au début du deuxième semestre 2008? Pour si tard après l'alerte? Pourquoi maintenant?
Pourquoi engager une procédure coûteuse et chronophage? Pourquoi risquer de se mettre à dos une profession partenaire? Pourquoi risquer une mauvaise image de marque au moment même où le marché automobile amorce un déclin (effets combinés la hausse du coût du pétrole, et son pendant de consolation : la mode de l'écolo).

La méthode: se documenter

Que disent les principaux intéressés?
AutoPlus continue de s'insurger du sort réservé à leur collaborateur. On apprend toutefois que la plainte contre X a été déposée en juillet 2007.
Renault doit estimer qu'il n'est pas nécessaire de communiquer sur les motivations de sa plainte, puisqu'on n'en retrouve pas de trace dans leurs informations corporate.
Le site d'information du réseau estime dès le 3 juillet 2007 les illustrations d'AutoPlus fantaisistes.
Situation habituelle.

Que dit la presse généraliste? De quoi dresser le panorama:
Le Monde: Une enquête interne de Renault a permis de placer la semaine dernière sous contrôle judiciaire un employé du constructeur. Alors pourquoi cette plainte de Renault contre X quand la loi sur la protection des sources n'autorise la justice à rechercher l'origine d'une information de presse "qu'en cas d'impératif prépondérant d'intérêt public" (extrait du communiqué syndicat des journalistes Force ouvrière non retrouvé)
La question reste entière: "Selon des journalistes d'Auto Plus, la direction de Renault chercherait, en déposant cette plainte, d'une part à démasquer le ou les auteurs des photographies, et d'autre part à faire pression sur les autres pour les dissuader d'en faire autant." En juillet 2007? Dissuader les journalistes de trop communiquer sur le résultat de leur recherche? Les dissuader de chercher de l'information qui permettrait de contrebalancer ou de devancer les commuqués officiels du constructeur? N'est-ce pas là le rêve d'un état totalitaire?

La Tribune: Il semblerait que les photos diffusées aient été prises par le téléphone portable de l'employé fautif.
Sauf erreur de ma part, les principes de sécurité sont bien connus des constructeurs: accès aux informations sensibles sur identification personnelle, accès physiques restreints, communication d'informations au coup par coup, traçage de l'information après sa diffusion.
En réalité, Renault a subi dans ses propres locaux d'une faille de sécurité jugée suffisamment grave pour ses propres intérêts pour justifier les risques pris.

Et les médias spécialisés? De l'information plus factuelle
RMC.fr : Le nom du journaliste mis en garde à vue est donné : Bruno Thomas, le chef de la rubrique nouveauté de l'hebdomadaire
Les photos volées concerneraient la Mégane 3 alors que la Mégane 2 est encore sur le marché. L'analyse de Jean-Luc Moreau, spécialiste auto de RMC tends à vers l'hypothèse soit d'un coup de pub du nouveau modèle, soit d'une chasse aux sorcières en interne.
=> Le coup de pub est raté puisque l'empathie du public me semble aller dans le sens du journaliste.
=> La chasse aux sorcières peut très bien avoir lieu sans publicité dans les journaux nationaux.
Le précédant avait déjà été créé à l'été 2007 par l'arrivée de magistrats au Canard Enchainé en marge de l'affaire Clearstream.

Puis, RMC.fr relaie un résumé de l'intervention du porte-parole de Renault. Il s'était exprimé... finalement:
Un porte-parole de Renault a précisé que la plainte du constructeur ne visait pas un article publié en 2007 sur le modèle de Mégane qui sera présenté en septembre prochain, mais des informations sur un projet de véhicule à plus long terme, ce qui serait "inhabituel" et irait "trop loin".

"Cela tue la création, autant qu'on donne nos modèles aux journaux et aux concurrents. Ça sert à quoi de faire la recherche ? On met la clef sous la porte. L'idée n'est pas d'attaquer Auto Plus mais de couper le tuyau qui alimente, de trouver la source chez nous", a dit ce porte-parole à Reuters.

Tout en soulignant son intérêt pour la liberté de la presse, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a estimé que les secrets des sociétés relevaient de l'intérêt public.

Toujours aussi peu convaincue par cet argument avancé. Toutes les grosses entreprises font de la R&D et on peut espérer pour elles qu'elles se sont bien protégées car elles savent pertinemment que du maintient de la confidentialité dépend leur pérénité.

Alors que cherchait véritablement Renault chez AutoPlus ?

Sans doute intimider en interne les éventuels complices d'une fuite très amont du process de R&D soit parmi les salariés Renault, soit parmi ceux de leurs prestataires. Mais une fuite qui concernait la Mégane 3 ou la Twingo CC... qui semblaient semblaient être pratiquement finalisées laisse sur son quant à soi... Pour éviter une fuite sur les recherches d'éventuels moteurs qui se dispenseraient totalement du pétrole? En l'absence d'information complémentaire sur le contenu réel de la fuite, toutes les fantaisies, effectivement, sont permises.

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