Il m'a demandé son chemin
Rue Bobillot, je descends d'un pas lent. C'est dimanche, veille de reprise. Il fait gris, mais je porte encore en moi le soleil.
A un carrefour, il s'avance vers moi, de biais, comme il peut.
Dites moi, c'est par où l'université Tolbiac?!?
Alors, ça! Je regarde autour de moi. Je n'en sais rien. Impossible de le renseigner. Je lui montre ce que je sais. Par là, c'est place d'Italie, par là, la place de Rungis, là, le bus qui y mène.
Puis j'abandonne.
Écoutez, je ne voudrais pas vous induire en erreur.
Encore quelques échanges de mots puis il continue sa trajectoire d'origine.
C'est une expérience d'humilité que d'admettre ouvertement son ignorance. Il est toujours difficile d'accepter ses propres limites. D'autant plus que ça faisait longtemps qu'on ne m'avait pas demandé son chemin, et c'était un échec. Petit goût amer, très léger, trois fois rien à se dire que l'on n'a pas su satisfaire son propre plaisir ou bien son propre égo à donner une information juste.
Son égo, ou bien l'écho des impératifs sociétaux. A l'école, il faut savoir. Il faut dire au maître la réponse attendue. A la fac, il faut avoir la pertinence attendue. En entreprise, il faut avoir le comportement attendu. Apprendre que l'on n'est pas parfait, l'admettre, et vivre très bien avec (et non pas malgré) cette idée.
Il m'avait indiqué qu'étant plus jeune il se rendait à pied à l'université depuis place d'Italie. Finalement, en lui indiquant où elle se trouvait depuis là où nous étions, j'avais pu le renseigner... indirectement. Mais de manière tout à fait fiable.