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Ils m'ont demandé leur chemin
21 juillet 2008

Appréhender l'art sans grille de lecture - L'intérêt de l'émotion.

Il semblerait que - d'un point de vue élitiste en arts-plastiques - parler de l'émotion suscitée par une oeuvre relève de l'amateurisme.
Il semblerait que ça s'appelle une lecture projective. Une lecture dans laquelle on se projette soi-même, son passé, son vécu. Écoutez une personne dont c'est le métier (historien d'art, critique d'art, artiste), et le plus souvent, son discours est orienté sur l'intérêt de l'oeuvre. C'est à dire les éléments discursifs, réflexifs mis en jeu par l'oeuvre.
 
Si mon interprétation de l'expression "lecture projective" est exacte. Je ne comprends pas en quoi la substitution d'un référentiel universel par un référentiel personnel devrait produire un résultat présentant moins d'intérêt. Autrement dit, si je parle de l'émotion que suscite une oeuvre, pourquoi ce discours devrait-il avoir moins de valeur que si je parle de l'intérêt d'une oeuvre?

Vous, moi, nous sommes démunis face aux arts car aucun d'entre nous n'en a acquis les grilles de lecture ni même la culture nécessaires pour produire un discours sur son intérêt. Au collège, au lycée, et pour ceux qui ont fait des études supérieures à la fac ou en école d'infirmière, de kiné, d'ingénieur, de commerce? Où apprend-on à appréhender l'architecture, la sculpture, la peinture, la musique, la danse ou bien la poésie? Où apprend-on à en produire un discours à valeur universelle? Ou tout du moins à tentative de portée universelle?
Un vague vernis et une vague culture générale dont il ne reste plus grand' chose après quelques années de salariat? Une vague sensibilité à la musique notamment en ce que la flûte à bec a de répulsif, et à la poésie en ce que le commentaire composé a de rébarbatif?

Écouter et verbaliser la résonance que trouve une oeuvre en soi ne permettent-ils pas de l'appréhender? N'est-ce pas la démarche la plus accessible à tous?
Car, quand on analyse une oeuvre, on réalise des analogies.

Si j'en reviens à des méthodes que je connais pour les avoir employées en filière littéraire au lycée, et en hypokhâgne: à savoir le commentaire composé en français.
Pour donner de la légitimité (et un peu de profondeur... je suis bien d'accord) au commentaire, il faut se plier au principe selon lequel il faut nourrir son analyse d'autres oeuvres du même auteur, de la même époque, des comparaisons de sources, ce que l'auteur en a fait, expliquer l'effet produit par la description longue et fastidieuse des figures de style employées, de la syntaxe, et autres répertoires linguistiques.
La méthode est laborieuse. Je n'ai jamais pris aucun plaisir à décortiquer un texte, à appliquer de manière rigoureuse et ordonnée ces méthodes d'analyse. En revanche, leur résultat procure deux grandes satisfactions. La première: dans ce travail, on peut révéler à soi d'abord, puis aux autres le sens du texte, ce vers quoi il tend, son positionnement, ce à quoi il fait référence, ce à quoi il s'oppose, et donc aussi ce qui fait sa valeur littéraire, son intérêt. La deuxième satisfaction : on acquiert à la force de la plume la reconnaissance par ses pairs.

Attitude élitiste, où l'on fait usage d'un vocabulaire compréhensible que par nos pairs.
De fait, une analyse dont le référent est sa propre émotion et les ressorts qui la suscite n'est pas académique, pas élitiste, pas professionnelle, pas universelle. Elle ne vaut rien. Elle n'a aucune valeur.
Deux points - Ouvrez la poubelle - Point - Fermez la poubelle.

Je reprends donc. D'un côté, je n'ai pas la culture, ni les grilles de lecture qui permettent de déterminer de l'intérêt d'une oeuvre. De l'autre, on s'accorde généralement à dire que l'intérêt premier de l'art réside en ce qu'il donne à voir et à penser.
Dois-je pour autant me détourner de l'art? Dois-je me résigner à mon ignorance? Ou bien dois-je apprendre laborieusement comment lire une oeuvre, me constituer une culture suffisamment générale et précise avant de commencer à comprendre? Avant de commencer à en parler? Tâches herculéennes. Certains y consacrent leur vie quand le lambda ne dispose que de son temps libre. Dois-je pour abandonner sous prétexte d'ignorance cette aspiration vers l'art? Dois-je renoncer à y trouver du sens? A cette chose, là! Cette chose qui est devant moi, qui me donne à voir, mais rien à penser!

Comment faire? Quoi faire?
Observer et trouver en soi des analogies. Cette statue regarde le ciel. Je suis devant une église. Cette statue ne s'inquiète pas du temps qu'il va faire? Quoique... L'église, le ciel, Dieu, le paradis... La statue aspire au paradis? Elle regarde vers Dieu? C'est une prière?
Oui, pour moi, cette statue s'inquiète du paradis en cherchant un signe de Dieu dans le ciel.
Oui, je la personnifie. Je lui prête une intention, alors qu'évidemment seul l'artiste ou son commanditaire en avaient une. Mais qu'importe? Maintenant, cette statue n'est plus un corps étranger. Elle n'est plus une entité absconse. Cette sculpture a désormais un sens qui m'est immédiatement lisible, par ce simple détail.
Si j'en ai le loisir, je regarderais également la posture du corps, les mains, leurs positions, sur quoi elles pointent ou ne pointent pas, les draperies, la tête, les vêtements représentés. Et je ferais de même. Et de détail en détail, je trouverais du sens à l'oeuvre dans son ensemble.

Il s'agit là d'une vulgaire pensée. Sans valeur. Mais en considérant ce qu'il y a de vulgaire en cela, nous aurons fait deux grands pas vers la vulgarisation.

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Commentaires
P
Comme aurait peut-être dit mon vieil ami Aristote, faire de la méta-esthétique serait analyser l'esthétique contenue dans un texte sur l'esthétique. Mais, ma chère fille, il est trois heures du matin, il faudrait que j'aille dormir. Bisous.
Ils m'ont demandé leur chemin
  • "Il faut traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône" [Cézanne] "J'essaie toujours de faire ce que je ne sais pas faire, c'est ainsi que j'espère apprendre à le faire." [Picasso] "Nous appellerons émotion une chute brusque de la conscience
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